Deux jours s’étaient écoulés depuis la plongée avec les requins et la soirée qui avait suivi la rencontre avec les requins avait été calme et il avait beaucoup réfléchit. Le jeune homme ne comprenait pas pourquoi il ne pouvait s’empêcher de faire un parallèle entre cette femme et sa mère, sa chère et défunte mère. Cela restait une énigme pour lui. Mais il n’en montrait rien. Sauf lorsqu’il s’était énervé après la serveuse qui lui avait renversé du café brûlant sur lui. Nathanaël s’était préparé rapidement, après avoir passé l’après-midi à chercher cet idiot qui lui avait pris de l’argent.

Il s’était douché, rasé et avait mis un t shirt blanc très simple accompagné d’un jean foncé et de converses assez chics malgré tout. Le trafiquant avait pris soin de ne pas faire trop sophistiqué alors il avait laissé sa montre au placard, ne gardant que son collier où on trouvait la photo de sa mère bien cachée. L’homme s’observa rapidement avant de sortir de sa chambre puis du Vintage hôtel. Il se dirigea vers la plage Nord à pied. La soirée s’annonçait belle et douce.

L’homme aimait marcher ainsi, préférant toujours savourer les promenades comme il se devait. Combien de temps le chemin dura ? Aucune idée mais à 20h30 précise, il se trouva devant l’établissement recommandé par la jeune capitaine. Il observa le lieu simplement, le trouvant typique et assez charmant malgré le fait qu’Hailey aurait soufflé un ‘ce n’est pas ton milieu’. Il s’en fichait bien. Malgré la plage, il se serait cru dans un fameux restaurant qui trônait dans la rue de son enfance en Norvège.

Cependant, la ponctualité était très important pour lui et il laissait maximum une demi-heure de retard à chaque fois qu’il avait un rendez-vous, s’estimant même très patient. Du coup, il était adossé contre le mur près de l’entrée et il attendait la jeune femme avec tranquillité, une cigarette entre les lèvres pour tromper l’ennuie.

Le norvégien n’avait pas bougé d’un iota pendant dix minutes, il était resté adossé au mur à fumer sa cigarette tranquillement. En vérité, il en avait enchaîné deux peut-être même trois en quelques minutes. Nathanaël se demandait tout de même si la demoiselle allait montrer le bout de son nez. Elle avait été si hésitante lorsqu’il l’avait invité à dîner que cela ne l’aurait pas étonné qu’elle change d’avis. Cependant, il fut agréablement surpris lorsqu’il vit Hailey arriver dans sa robe corail. Elle était très belle, peut-être même plus que lorsqu’il l’avait vu la première fois sur le bateau.

Il sourit, jeta sa cigarette dans la poubelle après l’avoir soigneusement éteinte et il était allé à la rencontre de la belle jeune femme. L’homme la salua d’un geste de la main avant de prendre la parole simplement.

« Aucun mal, j’ai fait le tour de la plage trois fois. Je plaisante, j’ai trouvé très rapidement. C’est un bel endroit. »

Nathanaël tendit le bras à la belle pour qu’elle le saisisse si l’envie lui en prenait puis il se dirigea vers l’entrée du restaurant, demandant une table pour deux. Il suivit le serveur puis s’installa à table en face de la jeune demoiselle sur une chaise plutôt confortable.

« C’est un bel endroit. Il ne paye pas de mine mais il est chaleureux. Très bon choix. Je ne suis pas trop décalé par rapport au décor ? »

Il sourit un peu, se voulant sympathique et drôle. Nathanaël espérait ne pas faire un flope avec la demoiselle. Le trafiquant essayait de se montrer moins proutprout pour gommer la différence d’argent entre elle et lui. Pourquoi faisait-il cela ? Il ne savait pas trop, ce n’était pas dans ses habitudes.

Le norvégien observait la jeune femme qui semblait assez gênée. Il ne s’en formalisa pas et mit ça sur le compte qu’elle n’avait pas l’habitude d’être en compagnie d’un homme lors d’un repas au restaurant et puis c’était assez touchant. Il prit la carte également et il commença à lire celle-ci en cherchant ce qu’il pouvait prendre.

« Je vois. C’est un bon endroit. Ca me rappelle la cuisine de mon enfance en plus grand et en plus riche tout de même. »

Il rit un peu avant de soupirer, sa mère se serait damnée pour être la cuisinière de ce genre de bouiboui qu’elle adorait mais l’argent devait aller dans la pseudo entreprise du père de Nathanaël. Il tût cette réflexion, c’était personnel et loin d’être à propos. Il sourit en entendant le léger rire de la demoiselle assise en face de lui. Au moins, il ne l’avait pas braquée. C’était presque un miracle !

« Vous êtes très belle. Personnellement, j’aime énormément cette robe, elle vous va à ravir. »

Il commanda un plat qui semblait appétissant puis il tendit la carte au serveur. L’homme commanda également un soda pour son dîner et commença à le siroter en observant la capitaine qui était de plus en plus mal à l’aise.

« Allons, ne soyez pas si gênée d’être avec moi, je ne mords pas. »

Nathanaël remercia le serveur lorsqu’il apporta leurs plats puis il commença également à manger tranquillement. C’était bon, sans prétention et copieux. Hailey avait raison, une bonne cuisine familiale. Il sourit un peu avant de la regarder, amusé de sa révélation.

« Ca me rappelle un restaurant de ce genre qu’il y avait dans la rue de l’appartement de mes parents. Ma mère avait toujours rêvé de tenir un établissement de la sorte mais elle n’a jamais pu. »

Trop tard, il n’avait dit. Il avait parlé de sa maman. L’homme poussa un profond soupire, lui qui s’était promis de ne jamais parler d’elle à des inconnus. Il haussa les épaules en grignotant tranquillement son repas savoureux.

« Je m’appelle Nathanaël Johanson, j’ai trente-six ans et je suis né en Norvège à Oslo. Je suis issu d’une famille pauvre qui a immigrée à New York alors que j’étais encore jeune. J’ai appris à travailler dur pour obtenir ce que j’ai aujourd’hui. Des questions ? »

Il rit un peu, content de sa pseudo blague mais il venait de décrire sa vie en quelques mots. Famille, Oslo, pauvreté, immigration, travail et argent. C’était juste cela, sa vie. Rien d’autre. C’était terriblement fade d’ailleurs.

«  La qualité de la tenue ne veut pas dire qu’elle sera adaptée à la personne qui la porte. Croyez-moi. »

Il en avait vu des vieilles mégères qui portaient des tenues haute couture alors que cela ne leur allait absolument pas, rien que d’y penser cela lui donna un long frisson. Entendant la jeune femme se mettre à bafouiller pour se rattraper, Nathanaël rit un peu et secoua la tête simplement.

« Ne vous en faites pas, je compte rester un moment, cette ville est charmante et ça me donne envie d’apprendre à la connaître. »

La question de la jeune femme ne l’étonna pas mais il devait choisir ses mots pour ne pas être directement rayé de la liste des pseudo prétendants de la belle demoiselle assise en face de lui. Il sourit un peu, avala une bouchée de son repas avant de lui répondre calmement.

« Je suis un commerçant. J’ai fais ma fortune en achetant et vendant divers objets. Entre autre. »

Et accessoirement, j’ai piétiné quelques personnes pour cela. Mais il tut sa dernière remarque. Mieux valait ne pas brusquer la capitaine qui savait se montrer plus que farouche. Il continua à manger avant de l’entendre et de rire franchement. Un rôti ficelé. Excellente image.

« C’était à des exemples comme cela que je pensais, en vérité. Et certaines ne sont pas cougars. Je ferais attention en rentrant dans ce cas, merci de l’avertissement. »

Il sourit un peu avant de boire un coup. Puis l’homme soupira de contentement, c’était tellement délicieux qu’il aurait pu dévorer le plat sans prendre le temps de réellement savourer ce met étonnant et si différent de ce qu’il avait habituellement.

« Je suis venu à la recherche d’un partenaire de travail qui s’est caché ici en oubliant de me rendre ce que je lui avais prêté. Je suppose qu’il est venu ici car il pense que c’est le dernier endroit où j’irais ? En tout cas, je ne regrette pas mon choix. »

Rien que pour cette soirée, il était content d’être venu lui-même, c’était certain. Il finit son assiette puis il posa ses couverts sur la table avant de croiser les jambes, observant la demoiselle avec curiosité.

« Pourquoi n’avez-vous pas envie de quitter cette ville ? N’y voyez aucune critique, juste de la curiosité. »

Cette femme était étrange. Elle était du genre à ne pas pouvoir être cernée. C’était de ces personnes qui intriguent le beau Nathanaël. Elle était presque ce qu’il n’était plus. Ce qu’il n’avait jamais été ? Il soupira un peu en passant sa main dans ses cheveux, la crise avait bien arrangé ses affaires malgré tout et il n’osait pas tellement l’avouer. Il avait su trouver les arguments, apprendre à dompter cette bête économique pour en sortir le meilleur.

« La crise n’est pas quelque chose de figé. Et parfois, cela peut permettre d’assainir l’économie lorsque cela est bien fait. »

Avec Hailey, il avait toujours l’impression de marcher sur des œufs. Faire attention à ce qu’on pouvait dire, ne pas oublier qu’il y avait un fossé entre eux. Mais il la voulait, sa vengeance. Et il commençait à la vouloir, elle. Et puis, il ne put retenir un sourire assez ironique en l’entendant rire. Ils étaient si différents, le frère et la sœur, comme s’ils n’avaient pas été élevés ensemble. Nathanaël trouvait cela étrange, perturbant. Il avait si peur d’avoir des remords. Lui l’insensible depuis le décès de sa chère mère. Aussi, il ignora le sujet du vol, se concentrant sur l’ancien désir de la jeune femme d’explorer ce vaste monde.

« Je pense pouvoir le comprendre. J’ai longtemps souhaité rester auprès de ma mère avant son départ. Puis, plus rien ne me retenant, je suis partis. Sans doute pour fuir, oublier la douleur et espérer construire quelque chose ailleurs. Mais, je suppose que je me trompais lourdement. Enfin, c’est une autre histoire. »

Le jeune homme hocha la tête aux dires de la belle capitaine. Il était d’accord avec elle sur ce point. On ne pouvait jamais oublier le départ plus ou moins violent d’un être cher, d’un être qui était un pilier pour nous, un socle. Il se rappelait encore bien le dernier souffle de sa chère mère, de son regard plein d’espoir pour son enfant qui avait passé sa petite vie à la vénérer comme une sainte. Puis, il y eut rapidement la haine viscérale qui s’était emparé de lui contre celui qui était son géniteur. Une ombre très sombre passa sur le visage de Nathanaël, aussi rapide que profonde.

« Oui, je loge là-bas, ils offrent une qualité de sommeil assez bien pour moi. Je sais ce que tu penses de cet endroit, je ne fais qu’y dormir même si tu t’en fiches. »

Il sourit un peu, franchement amusé de la voir ainsi s’acharner sur une tomate cerise alors que lui se contentait de les manger avec les doigts, au diable les fourchettes. Le trafiquant soupira finalement, regardant les flots interminables qui s’étendaient devant eux.

« Sauf si tu comptes m’héberger dans ton appartement. »

Un petit pic comme toujours mais ses yeux étaient doux, amusés par ce bout de femme si étrange, si enivrante même.