A strange meeting ... [Raymond René Lefort ] :

La journée demeurait fraîche malgré quelques éclaircies. Alicia C. Birdman restait ravie d'aller au boulot. Elle avait revêtu sa tenue de pizzaïolo : pantalon noir, chemise bleu ciel, casquette à l’effigie du restaurant. Son accoutrement n'avait rien de ridicule contrairement à d'autres. La jeune femme se sentait à l'aise ainsi. Son service avait lieu de midi à vingt-et-une heure. Enchaîner neuf heures ne la dérangeait pas. Il fallait qu'elle s'occupe pour éviter l'ennui et le désarroi. Chez elle, elle ressassait le passé. Aussi, elle buvait. La perte de son mari l'atteignait. Elle faisait son deuil doucement mais sûrement. Alicia effectuait la route en voiture. De coutume, elle se servait de la marche ou du vélo histoire de faire un peu de sport. Al' ne se laissait pas aller à ce niveau. Elle voulait paraître présentable. La route dura quelques minutes. Birdman était en avance de quinze minutes. Or, elle débuta son poste de suite. La jeune femme possédait un bon relationnel avec le client. Elle travaillait depuis dix ans dans la même boîte. Son patron représentait l'un de ses plus grands amis. Il avait tendance à la surprotéger depuis la mort de Connor. Après une heure de service, l'amplitude du restaurant commençait à diminuer. Les clients s'en allaient au fur et à mesure. Présentement, il lui fallait prendre la commande d'un homme qui ne lui paraissait pas inconnu. C'était donc lui ! De vieilles histoires remontaient à la surface. Elle s'approcha de Raymond René Lefort :

Bonjour, qu'est-ce que je vous sers ? Son ton se voulait neutre, son attitude : plutôt stoïque. Il était attablé et a priori seul.

Alicia C. Birdman n'en revenait pas. En effet, elle faisait face à Raymond René Lefort, déclaré mort depuis une dizaine d'années. Il s'appelait Joseph Weinsberg en réalité. Il avait connu un long séjour à l'ancien asile de Sidebay. Il s'agissait d'un homme intelligent et ambitieux mais il avait largement perdu la tête. Alicia avait effectué sa petite enquête. Sa mère travaillait à l'asile. Elle s'occupait des malades. Lors de la grande évasion, l'un d'entre eux la tua de manière atroce. Méritait-elle cela après son engagement auprès de ces gens ? Non ! Joseph pouvait représenter le responsable. Elle devait le pousser à se dévoiler.
Présentement, l'homme passa commande. Il détenait un sourire particulier, une allure à faire peur. Je vous apporte cela tout de suite. En s'éloignant, elle imaginait une stratégie pour lui parler. Elle prendrait une pause en s'installant à sa table avec un pepsi entre les mains afin de paraître détendue. Pendant que son collègue préparait la commande, elle admirait Joseph, plutôt Raymond. Il paraissait si étrange et préoccupé. Qu'est-ce qu'il cachait ? Qu'avait-il dans la tête ? Avait-il retrouvé toute sa lucidité ? Une fois la commande terminée, Alicia exécuta son plan.  
Elle s'approcha de sa proie. Elle posa son plat sur la table ainsi que sa boisson. Tenez. La pizza était énorme ! D'un coup d'oeil, elle regardait s'il possédait tout ce qu'il lui fallait : couverts, serviette, verre, assiette, commande : tout était OK. L'action réalisée, elle alla se servir un verre pour se présenter à Raymond. Je peux m'asseoir à vos côtés ? J'suis en pause. Je m'appelle Alicia Birdman. Et vous ? Vous avez un visage connu, vous vivez depuis toujours à Sidebay ? Moi oui. Elle tentait de le mettre à l'aise, de débuter une conversation normale. Bien évidemment, elle avait un objectif en tête : le pousser à se livrer, elle ne désirait pas se tromper sur son compte donc elle essayait "l'attaque douce".

Alicia C. Birdman observait son interlocuteur. Il semblait très concentré dans sa dégustation. Son contentement était palpable, il paraissait apprécié le goût de sa pizza fraîchement servie. La pizzaïolo souhaitait engager une discussion avec Joseph. Elle imaginait une stratégie afin de le faire parler. Pourquoi ? Elle désirait qu'il avoue certaines choses de son passé. Elle le connaissait grâce à son enquête. Elle pensait qu'il pouvait représenter l'assassin de sa mère. Elle ne devait pas merder, s'il la découvrait : il le prendrait sûrement mal. Elle ferait semblant de le découvrir. Le type la fixait sans s'intéresser à ses interrogations. Mauvais début. Il demeurait sur ses gardes. Se doutait-il de quelque chose ? Se grillait-elle rien que par cette simple approche ? La belle ne laissait rien paraître. Elle restait debout avec son soda. Quand il ouvrit la bouche, elle s’assit. Elle entendait bien ce qu'elle croyait ouïr ? Il la pensait intéressée par les personnes âgées. Avec le recul, son approche devait paraître très étrange. Elle souriait, autant jouer cette carte. Vous m'avez l'air d'un client sympathique, vous êtes seul donc je pensais qu'avoir de la compagnie vous ferez plaisir. Je me trompe ? Joseph, euh.. Raymond, ressemblait à un enfant. Il s'agit d'un secret de la maison, ravie que vous l'appréciez.... Monsieur. Vous ne travaillez pas pour venir manger à cette heure ? Maladroitement elle tentait de le décoincer niveau conversation.

Raymond René Lefort représentait un personnage fascinant. Il se montrait peu intéressé par la conversation mais il ne demandait pas à sa serveuse de partir. Ce détail passé, il avait quand-même changé d'identité et de vie ! Ce n'était pas rien ! Comment s'était-il arrangé pour cela et avec qui ? Il restait déclaré mort, Joseph était mort. Comment vivait-il maintenant ? Avait-il résolu tous ses problèmes mentaux ? Alicia C. Birdman s'intéressait à son évasion et à ses actes. Elle poursuivait une enquête. Présentement, elle admirait un homme âgé, passionné par sa pizza, et apparemment en bonne santé : capable de se déplacer, parler et manger sans une aide. Quel âge avait-il ? 1938 dans les dossiers... donc ... 78 ans. Il se conservait bien mais qu'en était-il de sa santé ? La jeune femme entamait une discussion pour le pousser à se dévoiler. Je vous ennuie peut-être ? J'imaginais vous filer une réduction pour cette pizza car vous êtes tellement sympathique. Elle ne se levait pas, ni elle ne s'excusait. Vous avez de la chance de pouvoir profiter de votre temps libre. Être à son compte, c'est le rêve ! Bossait-il réellement ? En avait-il le droit ? Quel passif s'était-il inventé ? La suite fit sourire la pizzaïolo, il la draguait presque. Apparemment, il appréciait sa présence à sa table. Il usait de belles paroles et d'un surnom tout trouvé. Il savait obliger les femmes à s'avancer sur leurs envies. Comme vous le désirez, ça me va. L'instant était plaisant, elle continuait à jouer la carte de l'intéressée. Que vous vous livrez à moi, j'ai toujours aimé discuter avec les clients que je remarque, apprendre à les connaître mais je ne veux pas vous déranger ou vous amener des soucis avec votre femme. Elle affichait un air complice, quelle bonne comédienne !

Raymond René Lefort de son faux nom adoptait une attitude étrange. Il semblait douter des intentions d'Alicia C. Birdman. Y voyait-il des avances ? La pizzaïolo comprenait la chose, elle annonçait vouloir qu'il se livre. Si quelqu'un lui avait demandé la même chose, elle aurait obligatoirement douté de ses envies. Il proposait de se voir ailleurs et à un autre moment de la journée. Si elle répondait "non", elle perdait une occasion de connaître la vérité. Parfois, il fallait oser se mettre en danger. Si elle disait "oui", elle passerait pour quoi ? Que devait-elle faire ? Rétablir la vérité. Dans cette histoire, il devait plus s'interroger qu'elle. Ils ne se connaissaient pas et elle lui adressait la parole en lui posant des questions personnelles : c'était peut-être trop !

Bien-sûr, on peut se retrouver autour d'un verre pour apprendre à mieux se connaître. Vous en pensez quoi ? Alicia s'était excusée de son attitude. Elle ne désirait pas paraître directe et vulgaire, ni lui faire du mal ou causer du tord à ses proches. Raymond ne se méprenait pas, il la rassurait. Le contact passait bien. La France, oh vous avez des choses à me raconter.... ! Je vous attends ce soir devant le centre commercial, où se situait le restaurant, vers 21h disons : cela vous convient ? Elle souriait et elle se levait pour le laisser finir sa pizza tranquillement. Elle espérait obtenir ses réponses.