Bad to the bone [PV STEPHEN]

Je sens que j'allais regretter cette soirée toute ma vie, littéralement. Ça avait bien commencé, en réalité, la même que d'habitude; on se pointe chez les potes de Maddox pour boire un peu et ensuite on enchaîne les fêtes et les rassemblements de gens un peu louche. Je ne sais pas pourquoi, mais ce soir, ça à dérapé. On étaient arrivés déjà un peu trop saoul, mon pote avait conduit avec un joint dans la gueule et on rigolait comme des porcs. J'avais ouvert le toit-ouvrant et m'étais laissée bercer par le vent sur mon visage, comme en transe. En voyant que je m'amusais, l'un des mecs dans la voiture m'offre ce petit cachet bleu, et je ne me pose même pas de question; je le pose sur ma langue et l'avale rapidement avec une gorgée de bière. On était chanceux que la police ne se soit pas pointée.
D'énormes speakers faisaient jouer du vieux rock et la maison en tremblait presque. Les beats de Black Sabbath et Iron Maiden me donnaient envie de danser, de me laisser aller; je me suis d'ailleurs laissée allée, ça c'est certains. Des joints, beaucoup d'alcool et ce petit cachet magique, et je planais comme jamais. C'est là que ça à mal tourné. Je me dirigeais vers les toilettes et y'a cette blondasse trop maquillée qui me rentre dedans sans s'excuser et je m'enflamme. J'ai déjà un tempérament très court de base, alors quand elle me rentre dedans, je la pousse en la traitant de tous les noms. Et je me fâche. Et je décide que lui éclater le nez à plusieurs reprises, c'est une bonne idée.
Ce ne l'est pas. Ils ont appelés la police. C'est pour ça que je suis au commissariat. Je suis encore sous l'effet de ce stupide cachet, écrasée par terre, les bras me cachant le visage parce que j'ai vraiment l'impression de faire un bad-trip de merde. Est-ce qu'ils ont appelé mon père? Ma mère? J'espérais qu'ils me laissent crever ici.

Personne ne m'a laissé mourir comme un chien ici. Je ne sais pas depuis quand je suis dans la cellule, mais après ce qui me semble une éternité, j'entend des bruits de pas, ainsi que les voix inaudibles de ce que je crois être deux personnes. Ou une seule personne? Je n'en sais trop rien. Ce que je sais, c'est que ça tourne, que ça vibre, que je vais cracher mon estomac et que mes jointures brûlent. J'essaie d'ouvrir les yeux, mais l'alcool et la drogue frappent encore pas mal dur, et je ne réussis qu'à pousser un grognement qui n'aime pas mon mal de tête.
Soudainement, j'entend mon prénom. Encore sur le dos, j'enlève mes bras de devant mon visage, et je me redresse, prenant toute la force du monde pour pouvoir me tenir aussi droite. Automatiquement, tout tourne et je dois poser une main au sol pour m'empêcher de tomber. Je reconnais la voix de mon père, après quelques secondes d'analyse. Mon coeur rate un tour, et j'ai l'impression que je vais vomir. J'ai trop abusé. « Je... » Je n'ai même pas le temps de commencer ma phrase que je me dépêche de me rendre à la poubelle pour y vider le contenu de la soirée. Heureusement, les quelques pas me séparant de la poubelle sont aisément franchis et je me vide l'estomac en me tordant de douleur.
Ce n'est décidément pas ma soirée.

Je termine de me vider l'estomac, me sentant encore plus faible qu'il y a quelques minutes. J'avais l'impression qu'on m'éclatait le crâne avec un marteau et que chaque respiration était un coup de pied dans l'estomac. Je m'adosse contre les barreaux de la cellule et essaie de respirer normalement, mais chaque fois que j'inspire, je pousse un grognement de douleur. C'était décidément la pire idée de ma vie. Je prend le petit gobelet d'eau que mon père me tend et le tient difficilement entre mes mains tremblantes. Je réussis toutefois à l'apporter à mes lèvres et l'avale en quelques gorgées. Je ne prend même pas la peine de répondre aux répliques de mon père; je ne peux pas, je n'en ai pas la force. Ça ne ferait que le mettre plus en colère, de toute façon. Lorsqu'il se coupe dans sa phrase et qu'il me demande de me retourner pour le regarder, je fronce les sourcils. « Pour... Quoi? » Que je réussis à marmonner comme si ma bouche était en papier mâché, comme si j'avais perdu la capacité de contrôler les muscles de mon visage. J'ai à peine le temps de plonger mon regard dans celui de mon père que je sens le sol bouger sous moi et je m'accroche aux barreaux pour éviter de m'étaler de tout mon long sur le sol. Je sentais que je pouvais m'évanouir à tout moment, parce qu'un son strident s'empara de mon ouie, et soudainement, la cellule m'entourant commençait à tomber dans la noirceur...

Je sais que je suis tombée dans les pommes. Ce qui s'est passé entre le moment ou je me suis écrasée par terre sans avoir entendu ce que mon père allait me demander, et le moment ou je commence à gigoter dans le lit d’hôpital, je ne m'en rappelle plus. J'essaie d'ouvrir les yeux, mais on dirait que toute la lumière du monde se trouve dans le pièce, et je plisse du nez, tentant de pousser un grognement. Le dis grognement m'écorche la gorge et je me mets à tousser, posant mes mains sur mon ventre, qui me fait encore mal, mais moins mal que dans la cellule. Mon visage se tord de douleur. Même avec les yeux semi-fermés, je réussis à distinguer la silhouette de mon père, assis sur la chaise à côté du lit d'urgence dans lequel je me trouve. « Papa...? Putain... » Que je croisse en envoyant ma tête vers l'arrière, complètement désorientée. Je viens pour poser une main sur mon visage et je sens le tube tirer, ce qui me fait grimacer. J'étais si démolie que ça? Je réussis à poser un regard plus assuré à mon père. « Qu'est-ce que j'ai foutu... » Que je dis en remarquant mes jointures écorchées.

J'ai l'impression d'être encore un peu à côté de la plaque, mais je commence à m'en remettre doucement et lentement. J'ai réussi à ouvrir les yeux après quelques minutes à lutter contre la lumière agressive de la salle d'urgence. Mon père se tient là, me reposant la question que je venais tout juste de lui poser. Je fronce un peu les sourcils, confuse. Je me rendis compte que tout d'un coup, les souvenirs de ma soirée étaient disparus. Il était quelle heure, là? Je tente de tourner la tête pour regarder les murs a la recherche d'une horloge. « Tu... Tu m'avais posé une question? » Je suis juste encore plus confuse. « Ah, ouais, la cellule... » Je tente de gratter le peu de souvenir que j'ai et en effet, je me rappelle bien m'être vidée les tripes dans la poubelle du commissariat. Je plisse le nez en y pensant. Je n'ose pas spécialement poser mon regard sur mon père; je sais que je l'ai déçue, je sais que je lui ai fait peur. Je suis quand même dans un lit d'hopital. Mon esprit ne peut s'empêcher de ramener le sujet d'Elliott sur le tapis, et mon coeur s'emballe. « J'ai pas faillit mourir, hein? » Que je lui demande d'une petite voix, comme si j'avais 13 ans, comme si j'étais a sa place. Je me remet à tousser, et je ferme les yeux pour éviter que mon mal de crâne revienne. Ça, je me rappelle, ça avait été le pire de tout les maux de tête du monde. C'était le pire lendemain de veille de toute ma vie, point à la ligne.

Il parlait de drogues et d'alcool. Dans mes souvenirs, je n'avais pas mélangé tant que ça. Rendu là, je ne pouvais plus me rappeler. Je me rappelle avoir quitté la maison, avoir rejoins les garçons et m'être amusé à jouer au beer pong avant de partir en voiture, un joint en gueule. Là, ça me frappe; je me rappelle le petit cachet bleu que j'ai ingéré dans la voiture, et juste l'idée de donne envie de me vomir les tripes. Je ferme les yeux et secoue la tête pour essayer de chasser le sentiment de nervosité qui s'installe dans le creux de mon estomac. « J'ai pris ce... Ce truc, c'était... » Je rouvre les yeux en inspirant et fixe le plafond de façon un peu bizarre. « C'était un petit cachet bleu, je sais pas ce.. ce que c'était. » Je ricane. « Ça frappait fort. » Je ne sais pas ce que Tess m'avait donné en arrivant à l'hopital, mais ça aussi, ça frappait, parce que j'avais l'impression de flotter. Au moins, mon ventre ne me faisait plus mal. « Je suis désolé... De t'avoir menti. » Que je dis à l'intention de mon père, reprenant mon sérieux.

Je grattais dans mes souvenirs, mais c'était flou, beaucoup trop flou. Le visage du mec qui m'aurait refilé ça était loin dans mes souvenirs et ça me rendait quand même nerveuse. Dans un sens, est-ce que je voulais vraiment balancer l'un des amis de mon meilleur ami? De l'autre, je n'avais aucune idée de la merde qu'il m'avait donné et c'était probablement volontaire de sa part. Ou pas? Je réfléchissait trop. « C'est... Peut-être Austin, ou bien euh... Tanner, j'en sais rien. C'est les seuls qui consomment ce genre de truc, dans notre bande. » J'ai décidé autrement que de les protéger. Dans un sens, tant que Maddox n'était pas touché... Je n'en avait rien à faire, des autres. Je le regarde, du moins, j'essaie, parce que la lumière de la pièce est très agressive, et je peine à garder les yeux ouverts. « J'ai eu ma leçon, je crois... » Je soupire bruyamment, en faisant un petit sourire triste à mon père. « Est-ce que je peux... Te demander quelque chose? » Que je tente, un peu incertaine.

Mon père semblait très calme, contenu, comme si la bataille se déroulait dans sa tête. Dans un sens, ça m'inquiétait qu'il fasse ça, ça voulait dire qu'il planifiait des trucs, et s'il ne m'en parlait pas, c'est que ça me concernait probablement. J'essayai de ne pas trop penser à ces choses-là, ayant l'impression que ce qui se trouvait dans la pièce recommençait à tourner. Je fermai les yeux quelques secondes avant de les rouvrir, regardant mon père qui m'avait demandé quel était ma question d'une voix douce. Je me mordis la lèvre, le regardant, hésitant quelques secondes avant de poser ma question. « Tu penses sûrement que Maddox, c'est qu'un trou du cul, en ce moment, parce qu'il m'a pas aidé, il à... » J'essaie de former des phrases cohérentes, mais c'est un peu plus difficile que ce à quoi je m'attendais. « Il... Il a été le plus responsable d'entre nous tous, en réalité. Est-ce que tu pourrais juste... Ne pas le dénoncer, ou un truc du genre? » Je baissai les yeux, fixant mes mains écorchées. « C'est un peu sa façon à lui de se protéger, de garder ses secrets protégés, de se créer une bulle... M'enfin, tu comprends. » Je secoue la tête, persuadée qu'il ne comprendrait pas. Il était une sacré tête de mule, mon père.

Il était bouché, et ça me frustrait. Je comprenais les maux de Maddox, en un sens, parce que moi-même, je cachais quelque chose à mon père, et ça me terrifiait, ça me faisait figer sur place. Même si ma tante Norah avait tenté de me consoler et de me dire que tout allait bien aller, je ne pouvais empêcher les pires scénarios de jouer encore et encore. C'était la même chose pour mon meilleur ami. Je déglutis en entendant le mot petit-copain et détournai le regard par réflexe, fronçant les sourcils. « Bah laisse tomber, alors. C'est entre moi et lui, on dirait bien. » Je fais la moue, laissant un élan de colère prendre contrôle de mes pensées et mes paroles. « Tu comprends pas et tu voudras jamais comprendre, en fait. C'est à cause de ça que moi et lui on se protège, tu vois. Parce que les gens ils comprennent jamais, ils se posent jamais... jamais la question d'où ça vient, tout ce qui se passe. Ils croient.. Ouais, ils croient juste qu'on est débile et qu'on s'éclate la gueule parce que voilà, on est des adolescents cons. » Je me relève rapidement d'un geste brusque, les maux de têtes se faisant plus présent, une façon à mon corps de me dire de me calmer. Je n'écoute pas. Je serre les poings à cause de la frustration et je secoue la tête, comme si ce que Tess m'avait donné ne faisait qu'enlever le filtre que j'avais. « Et ça m'énerve, et toute cette merde m'énerve! » Que je dis en tirant sur le petit tube qui était planté dans mon bras, l'arrachant en grognant. « Et tu m'énerves, et maman m'énerve, et les gens m'énervent! » Que je finis par crier pour laisser toute la frustration accumulée prendre le dessus.